L'affaire Dupont, vue par Christian Page


Il y a longtemps que je n'ai pas abordé le sujet. La mort du policier Louis-Georges Dupont a pourtant continué de soulever quelques passions, mais de manière beaucoup plus discrète depuis quelques années.

Voilà que Christian Page, journaliste et enquêteur spécialisé dans les mystères qui passionnent les foules, consacre une dizaine de pages à cette histoire dans son plus récent ouvrage Dossiers mystère 3 (publié chez Guy Saint-Jean, 2020).
J’avoue que mon pragmatisme m’a toujours rendu hésitant à me lancer dans la lecture des ouvrages de Christian Page. Me voilà confronté à la réalité selon laquelle je dois chasser cette pensée. Face à des sujets délicats qui brouillent les passions et parfois même les croyances, Page s’en tire parfaitement bien. Ses textes démontrent un certain détachement qui oblige le lecteur à réfléchir.
Après un résumé de l’affaire Dupont, il rappelle qu’en 1996 une commission d’enquête publique et une enquête de la SQ complétée en 2011 en venaient à la conclusion que Dupont s’était bel et bien suicidé en 1969. Ensuite, Page nous démontre qu’il a fait ses devoirs en consultant les livres publiés sur le sujet. Il souligne d’ailleurs que « Dans Cold Case, Jean-Pierre Corbin présente un scénario digne d’un polar américain. […] Si, à première vue, son récit colle aux preuves, c’est plutôt l’inverse qui est vrai. Pour étoffer son scénario, Corbin a fait une sélection arbitraire des éléments de preuve et une interprétation abusive des déclarations des experts médico-légaux. »
Entre autres choses, le livre de Corbin prétendait que Dupont avait eu le nez fracturé. Or, il utilisait cet argument pour appuyer sa thèse selon laquelle le policier aurait été battu avant d’être assassiné. Mais tout cela a été démenti sous serment. Je l’ai souligné dans mon livre de 2014, et maintenant c’est au tour de Christian Page de rappeler les faits.
Et puis, surprise! Page a aussi consulté mon étude de cas. Voici ce qu’il en retient : « L’auteur, un technicien en documentation spécialisé dans les affaires judiciaires, a passé en revue tous les documents (policiers, médico-légaux et gouvernementaux) reliés à l’affaire Dupont. Veillette se limite aux preuves – vérifiées et vérifiables – sans s’enliser dans des interprétations vaseuses. Pour lui, il ne fait aucun doute que le sergent-détective Louis-Georges Dupont s’est suicidé. Sa conclusion rejoint celles des enquêtes de la police de Trois-Rivières (1969), de la Commission Lacerte-Lamontagne (1996) et de la Sûreté du Québec (2011). Je comprends que les frères Jacques et Robert Dupont ne partagent pas les conclusions d’Éric Veillette. Le faire serait admettre que leur combat des dernières décennies n’a été qu’une saga faussement engagée et réduirait à néant leur espoir de voir leur père, l’incorruptible Louis-Georges Dupont, réhabilité. Un héros inventé qui perdrait un peu de son lustre. L’histoire des frères Dupont m’a intrigué, celle de Jean-Pierre Corbin m’a diverti, alors que celle d’Éric Veillette m’a convaincu. »
Christian Page aurait pu choisir le chemin de la facilité, comme l’ont fait certains journalistes et éditeurs de contenu, c’est-à-dire s’intéresser à cette histoire en laissant planer le doute dans le seul but non avoué d’attirer l’attention. Au lieu de ça, son pragmatisme et son exhaustivité m’invite plutôt à vouloir découvrir ses écrits en général.
En fait, son texte me rappelle les articles de deux journalistes qui écrivaient sur l’affaire au moment de la Commission d’enquête en 1996. Ceux-ci avaient suggérés que l’affaire Dupont n’était qu’une théorie du complot. En effet, en ces temps de pandémie, on assiste à une popularisation des théories du complot. Le phénomène n’est pas nouveau, mais il ne peut certainement plus être ignoré. C’est donc aux lecteurs de choisir leur camp : d’un côté ceux qui s’en tiennent aux faits, et de l’autre …

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